20h47 – 56, rue du Nord – 48.839231, -1.601145

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On est cinq dans la voiture. On tourne dans Granville, je ne sais pas ce qu’on cherche, je suis à la place du mort mais n’ai pas le droit d’aider la conductrice à trouver son chemin, parce que, jusqu’au bout, je ne dois pas savoir. C’est truffé de sens uniques et la mer est dans tous les sens. Difficile de s’orienter. Ça grimpe. Au milieu de la rue, je reconnais Emilie, que je n’ai pas vue depuis des mois, la mine radieuse et le ventre rond. A sa droite, un mur, la mer. A sa gauche, un porche, une cour, des escaliers sans garde-corps. On y est. Nous vivrons là. Les filles déchargent le coffre de nombreux sacs apparemment lourds pendant que je fixe l’océan, accoudée au mur, un peu gênée de voir les goélands se gausser de mon air dépassé, franchement gauche, ne sachant plus si c’est le champagne ou l’air marin qui me tourne la tête. La mer est presque haute. La lumière assez douce. J’allume une cigarette. Il fait ni beau ni moche. On est entre deux mondes. Je les entends rire et finis par les suivre. Passer sous le fameux porche, monter les escaliers, une première porte grise, de nouveaux escaliers, une porte en damier noir et blanc et un appartement, peint pour plaire à tout le monde. Blanc, gris-bleu, sommaire et efficace. Un salon-salle à manger-cuisine, deux chambres, une salle de bain. Je pose ma valise remplie de rien, et je visite. Il n’y a que des vélux, si on ne s’en approche pas on ne voit que le ciel. Mais depuis chacun d’eux, le nez collé à la vitre, on voit la mer. Je commence à comprendre, cette histoire de pointe, je ne savais pas encore que le vieux Granville s’avançait comme ça, quasi plein ouest. On s’installe, on ouvre de nouvelles bouteilles, on grignote comme n’importe où ailleurs. Assises, autour de la table, rien n’indique que nous soyons installées au bord d’un centre historique. Et on se raconte nos vies. Nos vies de bibliothécaire, d’architecte, de ludothécaire, de clerc de notaire, d’assistante administrative, d’épicière, d’infirmière. Nos vies de futures mères, futures mariées, de déjà mères, de belle-mères, de célibataires, de trentenaires, de quarantenaires. Et blablabla, blagues potaches, éclats de rire, gueules grandes comme ça, il est l’heure de sortir dîner.

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